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Sarah Mazouz
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Les répercussions mondiales de la mort de George Floyd le 25 mai 2020 l'ont montré : plus que jamais il est utile de défendre un usage critique du mot race, celui qui permet de désigner et par là de déjouer les actualisations contemporaines de l'assignation raciale.
User de manière critique de la notion de race, c'est décider de regarder au-delà de l'expression manifeste et facilement décelable du racisme assumé. C'est saisir la forme sédimentée, ordinaire et banalisée de l'assignation raciale et la désigner comme telle, quand elle s'exprime dans une blague ou un compliment, dans une manière de se croire attentif ou au contraire de laisser glisser le lapsus, dans le regard que l'on porte ou la compétence particulière que l'on attribue. C'est ainsi expliciter et problématiser la manière dont selon les époques et les contextes, une société construit du racial.
Si le mot a changé d'usage et de camp, il demeure cependant tributaire de son histoire et y recourir de manière critique fait facilement l'objet d'un retournement de discrédit. Celles et ceux qui dénoncent les logiques de racialisation sont traité·es de racistes. Celles et ceux qui mettent en lumière l'expérience minoritaire en la rapportant à celle des discriminations raciales sont accusé·es d'avoir des vues hégémoniques. Dans le même temps, les discours racialisants continuent de prospérer sous le regard indifférent de la majorité.
Si le mot de race sert à révéler, y recourir est donc d'autant plus nécessaire dans le contexte français d'une République qui pense avoir réalisé son exigence d'indifférence à la race et y être parfaitement " aveugle ", " colour-blind ", dirait-on en anglais. -
Non le concept d'intersectionnalité ne représente pas un danger pour la société ou l'université, ni ne fait disparaître la classe au profit de la race ou du genre. Bien au contraire, cet outil d'analyse est porteur d'une exigence, tant conceptuelle que politique. Une synthèse nécessaire, riche et argumentée, pour comprendre de quoi on parle Les attaques contre les sciences sociales se font de plus en plus nombreuses. À travers elles, ce sont certains travaux critiques qui sont particulièrement visés, notamment ceux portant sur les discriminations raciales, les études de genre et l'intersectionnalité.
À partir d'un article de 2019, devenu référence et paru dans la revue Mouvements, entièrement revu et actualisé, voici, pour toutes et tous, une synthèse salutaire et nécessaire sur ce qu'est réellement la notion d'intersectionnalité. Les autrices, sociologues, s'attachent d'abord à rappeler l'histoire du concept élaboré il y a plus de trente ans par des théoriciennes féministes de couleur pour désigner et appréhender les processus d'imbrication et de co-construction de différents rapports de pouvoir - en particulier la classe, la race et le genre. Il s'agit ensuite de s'interroger sur les résistances, les " peurs ", les discours déformants et autres instrumentalisations politiques que l'intersectionnalité suscite particulièrement en France. Mais justement, défendre les approches intersectionnelles, n'est-ce pas prendre en compte, de manière plus juste, les expériences sociales multiples et complexes vécues par les individu·es, et donc se donner les moyens de penser une véritable transformation sociale ?
Pour l'intersectionnalité : " Qui nos institutions académiques accueillent-elles et quels savoirs valorisent-elles et font-elles éclore sont donc deux questions indissociables. Et ce n'est qu'en tentant d'y répondre et en donnant toute sa place à des travaux potentiellement porteurs de transformation sociale pour les groupes marginalisés que l'enseignement supérieur et la recherche pourront continuer de jouer un rôle politique et social en France, car elles produiront une recherche scientifique qui renouvelle notre compréhension du monde social et le donne à voir dans sa complexité. " Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz. -
Sensibilités : Race, l'ombre portée - revue Sensibilités - N° 12
Sarah Mazouz, Thomas Dodman
- Anamosa
- Sensibilites
- 25 Janvier 2024
- 9782381910833
Si les sciences sociales ont montré comment la race est un fait non pas biologique mais social, construit par des logiques d'infériorisation, Sensibilités s'attaque précisément ici aux pratiques et aux expériences incarnées. Variant dans le temps et d'un lieu à l'autre, la race se construit et se déconstruit au plus près des corps et des affects.
Les travaux critiques de la race s'efforcent de montrer la différence qui existe entre race et marqueurs corporels racialisés. Ils découplent ainsi la race de la couleur de la peau et plus largement d'autres caractéristiques corporelles, comme les cheveux, les traits du visage ou même la forme du corps, pour montrer comment ce sont les logiques de racialisation à l'oeuvre dans tel ou tel contexte historique, politique et social qui vont donner un sens racialisant à tel ou tel aspect. Ces logiques peuvent aller jusqu'à inventer des différences phénotypiques (le teint censément basané des Suédois dans les colonies britanniques d'Amérique du Nord ; certains traits du visage qui seraient caractéristiques des Coréens et Coréennes au Japon ou encore l'idée d'un type juif inventée par l'antisémitisme).
Travailler de manière critique sur la race, c'est donc montrer que la race est un rapport de pouvoir abstrait qui sert à catégoriser et hiérarchiser des groupes humains au nom de leur origine géographique, culturelle ou religieuse, créant ainsi une condition sociale. C'est, de ce fait, montrer également que ce sont les logiques de racialisation qui viennent justement produire concrètement ces catégorisations et hiérarchisations en s'appuyant à chaque fois de manière différente selon les lieux et les époques sur le corps. Les caractéristiques physiques sont alors utilisées comme la manifestation de l'altérité prétendue radicale qui existerait entre groupes infériorisés racialement ou racisés et groupes qui infériorisent racialement. Dit autrement, la race ne préexiste pas aux logiques de racialisation qui s'en réclament ; elle en découle.
Ce numéro de Sensibilités met ainsi en évidence le jeu complexe entre race et corps en soulignant leurs articulations mouvantes, variées, labiles et toujours situationnelles, de la Grèce Antique aux fêtes en banlieue, de l'Inde à la Tunisie, en passant par les pieds de danseurs, la fierté d'un penseur, le sang, les gènes et les sens. Ce faisant, analyser la dimension corporelle de la race, loin de la naturaliser, sert bien plutôt à réaffirmer son caractère construit historiquement et socialement - tout en rendant explicite, en nommant et en questionnant les rapports de pouvoir ainsi produits. -
Ethnographie(s) politique(s) : Méthodes, objets et terrains
Sarah Mazouz, Martina Avanza, Romain Pudal
- Ens Lyon
- Societes, Espaces, Temps
- 14 Mars 2024
- 9791036207396
Beaucoup de travaux de sciences politiques se revendiquent de la méthode ethnographique, mais peu la définissent plus précisément ou en exposent les apports. L'objet de cet ouvrage est de prendre en compte le développement en science politique de cette méthode initialement conçue comme la méthode propre à l'anthropologie. Il s'appuie sur les contributions de chercheurs et chercheuses spécialistes qui se fondent sur cette méthode dans leur étude de certains objets canoniques de la science politique.Qu'apporte de travailler de manière ethnographique sur des élections, des partis politiques, des événements protestataires, des moments révolutionnaires ou des modes informels de politisation? Comment cette méthode permet-elle de mieux saisir des politiques culturelles dans le contexte de leur internationalisation? Dans quelle mesure une ethnographie de la circulation des idées politiques peut-elle en affiner l'étude? Dans quelle mesure la méthode ethnographique permet-elle de travailler de manière critique sur l'État, les pratiques administratives et les rapports entre bureaucrates et usagers? Telles sont certaines des questions que les auteurs et autrices de ce livre se sont attaché·es à traiter. Ce faisant, ils et elles s'efforcent également de montrer comment cette méthode met en dialogue la science politique avec l'anthropologie, la sociologie ou l'histoire, réaffirmant ainsi l'idée de sciences sociales
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La République et ses autres : Politiques de l'altérité dans la France des années 2000
Sarah Mazouz
- Ens Lyon
- 14 Mars 2017
- 9782847888690
La France a-t-elle peur de ses autres? En revenant sur les discours et les pratiques qui se formalisent depuis une quinzaine d'années, Sarah Mazouz interroge les « politiques françaises de l'altérité ». À partir d'une double enquête ethnographique conduite dans les dispositifs de lutte contre les discriminations raciales et dans les bureaux de naturalisation d'une grande ville de la région parisienne, elle montre comment s'articulent dans l'espace social les questions de l'immigration, de la nation et de la racialisation. En faisant porter l'examen de manière originale sur ces deux politiques publiques, elle interroge les processus d'inclusion et d'exclusion à l'intérieur même du groupe national (via l'examen de la mise en oeuvre de l'anti-discrimination) et à l'extérieur, entre le national et étranger (via l'étude des pratiques de naturalisation). Ce faisant, elle s'attache à saisir la relation paradoxale qui lie la République à ses autres et les logiques plurielles qui concourent à la production de l'ordre national.