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«Il a caressé des petits serpents très doux ; il parlait toujours. Le mégot brûlait son doigt ; il a pris sa dernière bouffée. Le premier soleil l'a frappé, il a chancelé, s'est retenu à des robes fauves, des poignées de menthe ; il s'est souvenu de chairs de femmes, de regards d'enfants, du délire des innocents : tout cela parlait dans le chant des oiseaux ; il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance du Verbe universel. Il a relevé la tête, a remercié Quelqu'un, tout a pris sens, il est retombé mort.»
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Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère,Lindet, Saint-Just, Saint-André. Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur. Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ? A quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Elie Corentin, le Tiepolo de la Terreur ?Mêlant histoire et fiction, Michon fait apparaître, avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour,devient l'un des protagonistes du drame. Grand Prix du roman de l'Académie française 2009
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« Je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions », écrivait Van Gogh il y a justement un siècle. Ces portraits, on peut douter qu'ils apparaissent aujourd'hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. C'est que Van Gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. Dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part.
J'ai voulu le voir en deçà de l'oeuvre ; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier ; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur Roulin qui fut l'ami d'un Hollandais pauvre, peintre accessoirement, en Arles en 1888. Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. Le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement.
Cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur Roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister. -
«?L'accouplement est un cérémonial - s'il ne l'est pas c'est un travail de chien.?».
Au début des années soixante, un jeune homme est nommé instituteur dans un village du Périgord, le pays des grottes préhistoriques, entre Les Eyzies et Montignac.
Dense, tendu, plein de fulgurances et d'emportements le roman fait de cette terre l'espace à vif d'une quête amoureuse. Yvonne, la belle buraliste, porte en elle la brûlure du désir, tout le mystère de la différence des sexes - l'origine du monde. -
«Qu'est-ce qui relance sans fin la littérature ? Qu'est-ce qui fait écrire les hommes ? Les autres hommes, leur mère, les étoiles, ou les vieilles choses énormes, Dieu, la langue ? Les puissances le savent. Les puissances de l'air sont ce peu de vent à travers les feuillages. La nuit tourne. La lune se lève, il n'y a personne contre cette meule. Rimbaud dans le grenier parmi les feuillets s'est tourné contre le mur et dort comme un plomb.»
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Vie du père Foucault ; vie de Georges Bandy
Pierre Michon
- Folio
- Folio 2 Euros
- 14 Mars 2019
- 9782072838699
Vieillard malade et silencieux rétif à la guérison. Homme d'Église autrefois flamboyant devenu alcoolique. Dans ces deux textes crépusculaires, Pierre Michon dépeint de sa plume rare deux existences fourbues, frappées de tragique et d'oubli. Deux Vies minuscules. «Il n'avait pas davantage d'attaches avec un terroir imaginaire : né en Lorraine, puis garçon meunier quelque part dans le Midi, il avait fini par échouer là, à la faveur peut-être d'une de ces bougeottes où des ouï-dire prometteurs et invérifiables jettent le menu peuple, d'un cousinage entre patrons, d'un hasard domestique.»
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Le roi vient quand il veut : propos sur la littérature
Pierre Michon
- Albin Michel
- Espaces Libres ; Ecritures
- 5 Janvier 2022
- 9782226470430
«Parmi les entretiens que j'ai donnés depuis 1984, j'en ai réuni trente. On y trouvera le jeu de masques que ce genre exige, des contrevérités peut-être, de l'incongru, des traits de mauvaise foi, mais sûrement aussi quelques vérités, pas toutes involontaires.Et puis, relisant ces propos, je me dis qu'à défaut de la vérité introuvable, on y trouve enlacés les souvenirs et les lectures qui m'ont constitué : le panthéon aztèque et la chasse à Dieu dans Moby Dick, le petit roman de trente pages de Lautréamont et le rasoir d'un théologien anglais, une écoute enfantine de Salammbô qui est ma scène primitive, des lieux et des noms. Melville et Faulkner, Beckett y voyagent parmi des toponymes limousins. Mes morts bavards, Flaubert, Rimbaud et Villon, Giono et Borges, Hugo, y fréquentent des prolétaires morts sans discours.» Pierre MichonDepuis Vies minuscules (Prix France Culture 1984), Pierre Michon a publié notamment Rimbaud le fils, La Grande Beune, Les Onze (Grand prix du roman de l'Académie française)... En 2015, il a reçu le prix Marguerite-Yourcenar pour l'ensemble de son oeuvre et, en octobre 2019, le prix Franz-Kafka.
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Un jour où, comme à l'accoutumée, il mène glander les porcs à travers la chênaie, un jeune paysan voit un carrosse s'arrêter dans le chemin.
Une fille très parée en descend et trousse haut ses jupes sous les yeux stupéfaits de l'enfant caché dans les fougères.
Cette apparition éblouissante, la chair blanche et les dentelles, le pouvoir qu'ont les puissants de jouir avec arrogance du luxe et de la beauté, il va désirer les faire siens.
Arraché à sa condition, il restera pendant vingt ans au service du peintre Claude le Lorrain. Mais la peinture n'aura pas su le faire prince et combler ses espérances.
C'est, pour finir, au coeur des bois qu'il se taille son royaume, un royaume sans illusions, simple et noir, fait de jouissances immédiates et d'un dépit triomphant qui fait résonner dans l'ultime phrase du livre ses accents diaboliques: « Maudissez le monde, il vous le rend bien. »
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" Qu'il meure de ma main ou que je meure de la sienne, il n'assouvira pas sa faim, il n'entendra pas le mot de l'énigme ; pas plus que je ne l'entendrai, moi, Aetius. Tout cela me lasse jusqu'à la mort. Tout cela doit être. Combattons. Des chevaux galopent, des flèches passent comme un vol d'ibis. Mon casque. "
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« Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l'oeil myope, ahuri, seulement Shakespeare et c'est un bon gros rentier à fraise élisabéthaine. »
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A travers l'exemple de Goya, un essai autour de la figure de l'artiste, dans ses rapports tumultueux avec les puissances sociales ou créatrices.
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Tablée est l'histoire de deux tableaux qui à l'origine ne formaient qu'une seule pièce peinte par Édouard Manet en 1878. Coupé en deux le tableau sans nom donna naissance à deux toiles retravaillées : l'une, Le coin de Caféconcert exposée actuellement à la National Gallery de Londres, l'autre, intitulée Au café, fait partie des collections du musée Oskart Reinhart à Winterthur (Suisse). Nul ne connaît la raison qui poussa Manet à procéder à cette « opération chirurgicale ». En 2005, le musée Oskart Reinhart décida de réunir pour la première fois depuis leur création ces deux tableaux ; il fut alors donné l'occasion à Pierre Michon de s'exprimer sur ces deux oeuvres. Ainsi rédigea-t-il Tablée, publié ici pour la première fois en France.
« Je n'ai pas besoin d'inventer le nom du personnage central, c'est la Table, la table de marbre qui porte les bières, le café, l'absinthe au fond et sa carafe, le petit vase à allumettes du premier plan. Qu'est-ce qu'une table ? C'est un opérateur spatial et un médiateur social merveilleux, une césure entre les corps, qui espace les corps les uns des autres et les distribue, qui fait des corps des antagonistes pacifiés. La table semble prendre de la place aux hommes ; mais non, en réalité elle en donne. »
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Quand il arrive à Castelnau, un village au fin fond de la Dordogne, tout près de Lascaux, le narrateur a vingt ans. C'est son premier poste. Derrière le rideau gris des pluies de septembre, entre deux dictées, le jeune instituteur s'abandonne aux rêves les plus violents - archaïques, secrets et troubles comme les flots que roule, en contrebas des maisons, la Grande Beune. Dans ces contrées où se rejoue encore dans une forme ancienne l'origine du monde, le sexe sépare deux univers. Celui des hommes, prédateurs, frustes mais rusés - terriblement. Et puis celui des femmes, autour de deux figures que l'écrivain campe magistralement. Hélène l'aubergiste, mère emblématique, et Yvonne, à la beauté royale, qui suscite chez le narrateur une convoitise brûlante et toutes les variations d'un émoi qu'il nous fait partager au rythme de sa phrase : emportée comme un galop de rennes dans une ère révolue, retournée en une scène grotesque où des enfants exhibent l'animal vaincu, mordante ou fuyante comme le loup des peintures rupestres.
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Esthétique du machinisme agricole ; petit danseur
Pierre Bergounioux, Pierre Michon
- Le Cadran Ligne
- 19 Mai 2016
- 9782954369648
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Quand il arrive à castelnau, un village au fin fond de la dordogne, tout près de lascaux, le narrateur a vingt ans.
C'est son premier poste.
Derrière le rideau gris des pluies de septembre, entre deux dictées, le jeune instituteur s'abandonne aux rêves les plus violents - archaïques, secrets et troubles comme les flots que roule, en contrebas les maisons, la grande beune.
Dans ces contrées où se rejoue encore dans une forme ancienne l'origine du monde, le sexe sépare deux univers. celui des hommes, prédateurs, frustes mais rusés - terriblement.
Et puis celui des femmes, autour de deux figures que l'écrivain campe magistralement.
Hélène, l'aubergiste, mère emblématique, et yvonne, à la beauté royale, qui suscite chez le narrateur une convoitise brûlante et toutes les variations d'un émoi qu'il nous fait partager au rythme de sa phrase : emportée comme un galop de rennes dans une ère révolue, retournée en une scène grotesque où des enfants exhibent l'animal vaincu, mordante ou fuyante comme le loup des peintures rupestres.
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Trois cailloux pour Walter Benjamin
Guy Petitdemange, Bruno Tackels
- L'Arachnoide
- 1 Octobre 2010
- 9782919030002
Trois cailloux pour Walter Benjamin est un ouvrage réunissant trois auteurs qui évoquent, chacun à sa manière, dans un texte inédit, la figure de Walter Benjamin.
Pierre Michon, en un raccourci vertigineux entre le mode d'apparition des bêtes dans son enfance et celles qui défilent devant Adam dans le jardin de la Genèse, propose une méditation proche de la réflexion sur le langage du jeune Walter Benjamin.
Guy Petitdemange se penche sur le mystère de l'écriture fragmentaire, en éclats, d'un Walter Benjamin partagé entre sa volonté de théoriser et une prose qui dit infiniment plus que tout système, proche en cela d'une oeuvre d'art qui contesterait, du sein même de l'élan qui la porte, les conditions de son apparition.
Bruno Tackels évoque la figure d'un Walter Benjamin décalé, en rupture avec la morale bourgeoise de son temps. Un homme solitaire, clairvoyant, lucide jusqu'au naufrage, amené à adopter, tout au long de sa vie, des stratégies de survie qui s'apparentent à des formes modernes de piraterie.
Trois lettres de Walter Benjamin clôturent l'ouvrage.
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Parmi les entretiens que j'ai donnés depuis 1984, j'en ai réuni trente. On y trouvera le jeu de masques que ce genre exige, des contrevérités peut-être, de l'incongru, des traits de mauvaise foi, mais sûrement aussi quelques vérités, pas toutes involontaires.
Et puis, relisant ces propos, je me dis qu'à défaut de la vérité introuvable, on y trouve enlacés les souvenirs et les lectures qui m'ont constitué : le panthéon aztèque et la chasse à Dieu dans Moby Dick, « le petit roman de trente pages » de Lautréamont et le rasoir d'un théologien anglais, une écoute enfantine de Salammbô qui est ma scène primitive, des lieux et des noms. Melville et Faulkner, Beckett, y voyagent parmi des toponymes limousins. Mes morts bavards, Flaubert, Rimbaud et Villon, Giono et Borges, Hugo y fréquentent des prolétaires morts sans discours.
Pierre Michon -