Deux jeunes hommes dans la moiteur d'une chambre poisseuse de Montréal. Torse nu sur son divan, l'un écoute du jazz en philosophant. L'autre rêve de devenir écrivain. Il lit Baldwin, Hemingway, Miller ou Bukowski, et s'extasie devant l'appétit sexuel des jeunes filles sérieuses. Ensemble ils dissertent sur la beauté et l'origine du désir, sur la Blanche et le Nègre. Et ça fait des étincelles.
Machine à écrire, ruban neuf, papier immaculé : la vieille Remington 22 dégotée chez le brocanteur est riche de promesses... L'écrivain est en route !
Hautement incisif, terriblement insolent, irrésistiblement drôle, le premier roman de Dany Laferrière n'a pas pris une ride. Un hymne à la littérature en mouvement.
Dans ce livre, le premier qu'il consacre au racisme, Dany Laferrière se concentre sur ce qui est peut-être le plus important racisme du monde occidental, celui qui dévore les Etats-Unis. Les Noirs américains : 43 millions sur 332 millions d'habitants au total - plus que la population entière du Canada. 43 millions qui descendent tous de gens exploités et souvent martyrisés. 43 millions qui subissent encore souvent le racisme. Loin d'organiser une opposition manichéenne entre le noir et le blanc, précisément, Dany Laferrière précise : « On doit comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n'est qu'avec les nuances qu'on peut avancer sur un terrain si miné. » Voici donc un livre de réflexion et de tact, un livre littéraire. Mêlant des formes brèves que l'on pourrait rapprocher des haïkus, où il aborde en général les sensations que les Noirs éprouvent, et de brefs essais où il étudie des questions plus générales, Dany Laferrière trace un chemin grave, sans jamais être démonstratif, dans la violence semble-t-il inextinguible du racisme américain. « Mépris », « Rage », « Ku Klux Klan » alternent avec des portraits des grands anciens, Noirs ou Blancs, qui ont agi en noir ou en blanc : Charles Lynch, l'inventeur du lynchage, mais aussi Eleanor Roosevelt ; et Frederick Douglass, et Harriet Beecher Stowe, l'auteur de La Case de l'oncle Tom, et Bessie Smith, à qui le livre est dédié, et Angela Davis. Ce Petit traité du racisme en Amérique s'achève sur une note d'espoir, celui que Dany Laferrière confie aux femmes. « Toni, Maya, Billie, Nina, allez les filles, le monde est à vous ! »
Au lendemain de la déferlante de succès qui accompagna la parution de Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer ?, Dany Leferrière se voit confier par un prestigieux magazine une série de reportages sur l'Amérique.
L'écrivain haïtien se lance alors à la rencontre de l'Amérique profonde, sillonne en bus les États, fait escale dans d'improbables bourgades, et nourrit ces saynettes éloquentes de réflexions sur la littérature, l'identité, la pauvreté - et sur le fait d'être Noir dans cette Amérique-là.
Sous forme de collection d'instantanés comme autant de moments de vie, Dany Laferrière raconte le racisme ordinaire, la folie douce des gens, les préjugés profondément ancrés... Dédié à James Baldwin, Miles Davis et Jean-Michel Basquiat, cet ouvrage fondateur est paru pour la première fois en 1993. Il prend aujourd'hui encore plus d'ampleur. Insolent et provocateur, la littérature chevillée au corps, Dany Laferrière est l'indéniable précurseur - dès son titre : Cette grenade dans la main du jeune Nègre estelle une arme ou un fruit ? - du mouvement Black Lives Matter.
M. Gérard séduit les femmes. Pourtant, il ne sort déjà presque plus de chez lui quand le narrateur, son voisin, un enfant d'un quartier pauvre de Port-au-Prince, se découvre une fascination pour cette figure mystérieuse, au savoir-vivre exquis et au rare bon goût. Cet ancien professeur congédié d'une école pour jeunes filles l'initie à Baudelaire, Keats et Wagner.
Les ragots fusent. Pour le Pr. Désir, il aurait aimé une belle jeune femme, ou il aurait été épris de la mère d'une élève, à moins qu'il ne soit impuissant. Selon le Dr Hyppolite, un homme l'aurait giflé dans un bar, sans que lui, digne, ne réplique. Tout est énigmatique chez cet homme qui semble vivre dans le malheur. Qu'en est-il réellement de son mystère et de son charme ?
Nous l'apprendrons en suivant le regard du narrateur, cet enfant sensible et intelligent, dans cette nouvelle écrite de main de maître.
La nonchalance est une affaire de connaisseur. « J'étais devenu un spécialiste mondial de la sieste », révèle Dany Laferrière dès le début de son livre. Cela n'interdit pas de lire et de réfléchir - la sieste y est, au contraire, propice. Elle permet aux pensées de jaillir, s'attachant aux petites et aux grandes choses, aux rêves et aux lectures. Dany Laferrière nous parle d'Obama et de l'Histoire, de ses premières amours nimbées d'un parfum d'ilang-ilang, de Salinger et de Borges, de la guitare hawaïenne, du nomadisme et de la vie, car cet Art presque perdu de ne rien faire est, ni plus ni moins, un art de vivre.
Il faut prendre le temps de lire ce livre. Mohammed Aïssaoui, Le Figaro littéraire.
L'éloge de la lenteur, à rebours de la frénésie contemporaine. Marie Chaudey, La Vie.
Un essai enthousiasmant contre l'agitation, l'immédiateté et les écrans, en même temps qu'un plaidoyer en faveur de la lecture. Olivia de Lamberterie, Elle.
La nouvelle coupe la nuit en deux. L'appel téléphonique fatal que tout homme d'âge mûr reçoit un jour. Mon père vient de mourir. D. L.A la suite de cette annonce tragique, le narrateur décide de retourner dans son pays natal. Il en avait été exilé, comme son père des années avant lui, par le dictateur du moment. Et le voilà qui revient sur les traces de son passé, de ses origines, accompagné d'un neveu qui porte le même nom que lui. Un périple doux et grave, rêveur et plein de charme, qui lui fera voir la misère, la faim, la violence, mais aussi les artistes, les jeunes filles, l'espoir, peut-être. Le grand roman du retour d'exil.
« Droite, fière, sans un sourire, ma mère me regarde partir. Les hommes de sa maison partent en exil avant la trentaine pour ne pas mourir en prison. Les femmes restent. Ma mère a été poignardée deux fois en vingt ans. Papa Doc a chassé mon père du pays. Baby Doc me chasse à son tour. Père et fils, présidents. Père et fils, exilés. Et ma mère qui ne bouge pas. Toujours ce sourire infiniment triste au coin des lèvres. Je me retourne une dernière fois, mais elle n'est plus là ».
Vieux Os a vingt-trois ans. Son ami Gasner, journaliste comme lui, vient d'être assassiné par les tontons macoutes. Dès lors s'enclenche la mécanique de l'exil, pressante, radicale : Vieux Os doit passer sa dernière nuit hors de chez lui.
De taps-taps bondés en déambulations hasardeuses, Vieux Os parcourt son monde en accéléré : les belles de nuit du Brise-de-Mer, bordel miniature où l'on parle d'amour et de grammaire, les amis de toujours, Lisa et Sandra - « l'une pour le corps, l'autre pour le coeur » -, les souvenirs d'enfance à Petit-Goâve dans le giron de Da, les tueurs qui rôdent, les anges gardiens aux allures de dieux vaudou, et toutes les bribes de vie saisies au vol dans les rues de Port-au-Prince.
Au coeur de ce récit, il y a l'enfance. Celle d'un petit garçon passant ses vacances à Petit-Goâve, dans le giron de Da, sa grand-mère. Un accès de fièvre, et le voici privé de jeux avec ses camarades. Alors il reste sur la galerie, assis aux pieds de Da qui se balance dans le rocking-chair, une tasse de café toujours à portée de main, pour les passants et les voisins. Le long des lattes de bois, l'enfant observe, rêve, se régale: la lutte inégale des fourmis et des araignées, les gouttes de pluie picorant le sol, les adultes comme ils s'occupent et bavardent, son chien Marquis « à la démarche de vieille dame» ... Il respire les odeurs de la vie.
Chronique des sensations évanouies et retrouvées, l'Odmr du ccifé est une magnifique échappée - au temps magique d'une enfance singulière.
« J'ai écrit ce livre pour toutes sortes de raisons. Pour faire l'éloge de ce café (le café des Palmes) que Da aime tant et pour parier de Da que j'aime tant.
Pour ne jamais oublier cette libellule couverte de fourmis. Ni l'odeur de la terre. Ni les pluies de Jacmel. Ni la mer derrière les cocotiers. Ni le vent du soir. Ni Vava, ce brûlant premier amour. Ni le terrible soleil de midi. Ni Auguste, Frantz, Rico, mes amis d'enfance. Ni Didi, ma cousine, ni Zina, ni Sylphise, la jeune morte, ni même ce bon vieux Marquis. Mais j'ai écrit ce livre surtout pour cette seule scène qui m'a poursuivi si longtemps: un petit garçon assis aux pieds de sa grand-mère sur la galerie ensoleillée d'une petite ville de province. Bonne nuit, Da ! »
À cette seule évocation - Le Charme des après-midi sans fin - on rêve aux jours délicieux de l'enfance et de l'adolescence. Et c'est tout le petit monde gravitant à Petit-Goâve autour de Vieux Os qui vient nous griser: il y a les copains, Rico, le fils de la couturière, Frantz qui « a toutes les filles à ses pieds, mais ne comprend rien aux femmes », les rendez-vous sur la plage et les parties de foot avec l'équipe Tigre Noir, Fifi la tigresse qui se bat comme un garçon pour l'honneur de son frère, les filles « douces et parfumées comme des mangues », et l'indépassable Vava, premier amour aux yeux incendiaires ... Et puis aussi Izma la reine du poisson en sauce et son petit garçon tuberculeux, l'irremplaçable notaire Loné, amoureux éconduit de Da, la grandmère tant aimée, tandis qu'Haïti s'enflamme sous les feux montants de la dictature.
« j'ai écrit ce livre pour une seule raison: revoir Da. Quand l'Odeur du café est paru, Da était encore vivante, et elle l'a lu. Je me souviens de son doux sourire. Elle était très fière de pouvoir filer son aiguille jusqu'au dernier jour. Elle est morte un samedi matin. Et depuis, elle me manque. Je suis retourné, dernièrement, à Petit-Goâve. Et je les ai tous revus. Voici Da, assise comme toujours sur sa galerie au 88 de la rue Lamarre, en train de siroter son café. Et aussi ce bon vieux Marquis qui vient se frotter contre ma jambe, en remuant doucement la queue. Le soleil du midi. Les rues désertes. La mer turquoise scintillant derrière les casernes. La ville fait la sieste ... »
« La nuit existe dans ce pays. Une nuit mystérieuse. Moi qui viens de passer près de vingt ans dans le nord, j'avais presque oublié cet aspect de la nuit. La nuit noire. Nuit mystique. Et il n'y a que le jour qu'on puisse parler de ce qui s'est passé la nuit... On dirait que deux pays cheminent côte à côte, sans jamais se rencontrer. » Après vingt ans d'absence, l'écrivain rentre chez lui, à Port-au-Prince. Le pays, en apparence, est le même. Mais de silences en souvenirs, de mots chuchotés en étrangetés, c'est le pays rêvé qui prend le pas sur le pays réel.
D'où vient ce rire invisible qui glace les os des soldats américains ? Qui sont ces curieux habitants de Bombardopolis qui se contentent sans peine d'un repas par trimestre ? Finalement visité par un dieu vaudou, il est sommé, lui, l'écrivain qui se dit primitif, de faire un reportage au Pays sans chapeau - c'est ainsi qu'on appelle l'au-delà en Haïti.
Pays sans chapeau est une enquête drôle et poétique qui oscille entre l'émotion du retour au pays et la magie des dieux cachés. « Ils sont là, je le sais, ils sont tous là à me regarder travailler à ce livre. Je sais qu'ils m'observent. Je le sens. »
La poésie de Dany Laferrière exalte le goût du voyage et pénètre les mystères de la nuit tropicale.
Alain Mabanckou
Devenu adolescent, Vieux Os quitte Petit-Goâve et le monde de sa grand-mère pour se réfugier chez sa mère, dans une petite maison de Port-au-Prince. François Duvalier est au pouvoir, les tontons macoutes rôdent tels des requins dans les rues de cette ville-aquarium. L'asphalte ramolli par la chaleur, le temps immobile, les odeurs enivrantes, la sensualité prégnante, le désir tout-puissant. Le danger n'est pas que dans la ville, il vient aussi de l'autre côté de la rue, du côté des jeunes filles. Après un incident tragique impliquant un tonton macoute, le jeune adolescent se réfugie chez Miki, en face, où il demeurera caché durant quelques jours. Pourra-t-il résister longtemps au chant lancinant des sirènes, à l'appel du désir ?
Histoire de la conquête de la sensualité par un adolescent, le Goût des jeunes filles est aussi une chronique haïtienne. Ces jeunes filles insolentes n'ont peur de rien, s'étoudissent à danser, à jouir de la vie, et n'obéissent qu'à leurs propres lois. Plus encore qu'un roman d'initiation, le Goût des jeunes filles est un roman d'exaltation.
« Le pyjama est un étrange habit de travail. » C'est sur son métier que Dany Laferrière a choisi d'écrire dans Journal d'un écrivain en pyjama. Après trente ans de publications, il livre cent quatre-vingt-deux chroniques, comme il les appelle, où se mêlent réflexions, anecdotes, pensées. Avec la désinvolture qui caractérise son style, l'écrivain propose des conseils - « Comment débuter une histoire », « La description d'un paysage », « La mémoire de l'enfance » -, tout en partageant avec le lecteur son expérience et son goût pour la littérature. Une manière aussi de communiquer sa reconnaissance à ceux qui l'ont accompagné dans son parcours d'écriture : Homère, Borges, Garcia Marquez, Capote... et puis tous les anonymes.Dany Laferrière nous offre le portrait de l'écrivain encore inconnu. Avant l'heure. Avant l'oeuvre. En pyjama. Un petit manuel plein d'humour pour écrivains en herbe. Aliocha Wald Lasowski, Le Magazine littéraire.
C'est l'histoire d'un homme qui ne fait rien, ou presque. Il prend des bains. Relit le poète japonais Bashô. Écrit à peine. Fait l'amour avec Midori. Apprend qu'il est célèbre à Tokyo. Célèbre à Tokyo ? Un jour, dans une interview, il a annoncé que son prochain livre s'intitulerait Je suis un écrivain japonais. Et tout s'est emballé. L'histoire dérape. La police arrive.Une véritable tendresse pour l'humanité, une bonne dose de désespoir, beaucoup d'ironie, un tout petit peu de désillusion et une grand rire pour laisser croire que tout bonheur est à portée de main. [...] l'un des romans les plus drôles, les plus tendres, mais aussi les plus troublants de ces derniers mois.Yves Harté, Sud Ouest. Dany Laferrière touche, sans en avoir l'air, à des sujets essentiels, comme l'identité ou les nationalismes littéraires. Stéphane Hoffmann, Madame Figaro.
Pathos, sans lyrisme. Des "choses vues" qui disent l'horreur, mais aussi le sang-froid des Haïtiens. Que reste-t-il quand tout tombe ? La culture. Et l'énergie d'une forêt de gens remarquables.
Voici le troisième roman dessiné de Dany Laferrière chez Grasset. Après « Autoportrait de Paris avec chat » et « L'exil vaut le voyage », « Sur la route avec Bashô » suit la méthode nonchalante et néanmoins réfléchie de Bashô, le moine-poète japonais du XVIIe siècle, une des inspirations constantes de l'auteur (qui comme on sait est un écrivain japonais). Le narrateur de cette histoire parcourt le monde d'aujourd'hui, de l'Amérique au Japon en le prenant par surprise. Qui se méfierait d'un rêveur ? Il ne rêve pas du tout. Il admire (les femmes écrivains qu'il lit, de Jean Rhys à Zora Neale Hurston). Il se remémore (les divinités vaudoues). Il éprouve de l'affection (envers une de ses voisines alors qu'il séjourne à New York). Des dessins stylisés parcourent le texte, qui sont peut-être la rêverie de ce narrateur « dans ce monde sans pitié ». Voyageant dans le monde contemporain, il ne peut que constater que la menace est partout. Dessinant ce qu'il voit, le narrateur écrit aussi des mots. Et par exemple ceux-ci : « Black lives matter ». « Un nègre est un homme et tout homme est un nègre », a-t-il dit au début de sa pérégrination. Nègres sont donc les manifestants de Hong Kong qu'il voit réclamer la liberté. Pourtant, son intention n'est pas de changer le monde, nous dit-il, « simplement d'y vivre ». Et l'on comprend alors que, comme le disait Pavese, c'est un métier de vivre.
Heureusement, il y a la littérature, le jazz, les femmes élégantes, les cafés et les fleurs. Il y a encore des rayons de soleil.
Un jeune homme du Sud arrive dans une ville du Nord. On le voit dériver dans les rues d'un monde si neuf. Par petites touches singulières, il tente de savoir où il se trouve.
Si L'Énigme du retour (prix Médicis 2009) était le roman du retour à Port-au-Prince de Dany Laferrière, Chronique de la dérive douce relate son arrivée à Montréal, à l'âge de 23 ans. C'est lumineux, poignant, triste et drôle comme la vie. Grégoire Leménager, Le Nouvel Observateur.
... tout est fragment d'illumination dont, quarante ans plus tard, l'homme mûr tire des sculptures étincelantes. Hélèna Villovitch, Elle. Dany Laferrière prouve une fois encore qu'il est l'un de nos grands auteurs contemporains. Marie Chaudey, La Vie
Voici Dany Laferrière dans tous ses exils. Obligé de fuir Haïti à l'âge de 23 ans sous les aboiements d'une meute de chiens, il entame une vie d'exils, de Miami à Paris en passant par le Brésil, sans avoir jamais vraiment quitté Montréal.
Après l'Autoportrait de Paris avec chat, Dany Laferrière approfondit la veine du roman dessiné et écrit à la main. L'Exil vaut le voyage offre un point de vue original sur le sentiment de l'exil : est-ce une expérience aussi terrible qu'on le dit ? En revenant sur ce qu'on croit à tort une fatalité, Dany Laferrière nous dit combien les pérégrinations obligées, si on les accueille en ouvrant les yeux et l'esprit, nous enrichissent. Quelle occasion de rencontres nouvelles, avec des écrivains, des femmes et des chats ! Le monde regorge de richesses, et ce livre nous les fait découvrir avec charme et humour, mais aussi, parfois, un lyrisme pudique : « Je viens de parler à ma mère longuement, et je dois partir sans bagage ».
Si les exils ont leur part d'arrachement, ils donnent aussi à voir le monde et des mondes. De Jorge Luis Borges à Virginia Woolf, de jazzmen solitaires en cafés bondés, de l'Amérique à l'Europe, voici de fructueux exils, avec, pour compagnons de voyage, de chapitre en chapitre, les grands exilés du monde, Ovide, Mme de Staël, Graham Greene, le grand romancier cubain José Lezama Lima, et bien d'autres.
Le Sud.
Lumineux, sensuel, séduisant. Tous les personnages de ce roman en subissent l'attrait. Ils en rêvent, ils s'y rendent. Pourquoi pas Haïti ? Et les voici, Occidentaux prisonniers de valeurs utilitaires, charmés par la chaleur, la lumière, les couleurs, les corps. Propriétaires de bar ou femmes d'affaires new-yorkaises, ils quittent les illusions de la réussite pour dériver doucement vers une nouvelle vie.
Ils y feront de troublantes découvertes. Corps blancs, corps noirs...
Voici le roman le plus singulier de Dany Laferrière : un roman dessiné. Et écrit à la main ; comme tous les précédents, mais dans cet Autoportrait de Paris avec chat son écriture est reproduite en même temps que ses dessins, dans ce volume de grand format et de grande ambition. Et c'est guidés par la main du plus charmeur des académiciens français, ses lettres et ses couleurs, que nous pénétrons dans un Paris à son image, un Paris qui, d'une certaine façon, n'est autre que lui-même.
Plutôt que « À nous deux Paris ! », voici « Nous deux à Paris ! ». Le narrateur, un grand rêveur, arrive dans la ville la plus réaliste du monde. Il en fait la découverte et nous avec lui, remontant ses rues et le temps à la rencontre de ceux qui ont fait sa gloire. Paris, ses monuments de pierre et d'intelligence, l'arc de Triomphe aussi bien que Balzac, ses cafés aussi bien que ses créateurs de mode, le Flore aussi bien que Gabrielle Chanel. Paris se nourrit aussi des étrangers qui cessent d'en être dès qu'ils l'aiment et contribuent à faire ce qu'il est. Et voici donc Hemingway, et voici donc Noureev, et voici donc Apollinaire... Et puis il y a Chanana. Qui est cette mystérieuse chatte en manteau rose qui arrive chez le narrateur à minuit ?
Dans ce récit très personnel, illustré de sa propre main, original et drôle, Dany Laferrière se raconte. De son enfance en Haïti, il parle des gens qu'il aime, de ses souvenirs, des lieux et sensations. Puis il bifurque sur les peintres primitifs... avant de nous embarquer à Miami, où il vécut quelques années, période de sa vie dont il nous raconte le quotidien auprès de sa femme et ses filles, dans ce pays inconnu.
Il évoque les quartiers et les habitants, la société américaine, mais surtout il raconte la vie d'écrivain, la solitude et la reconnaissance.
Un après-midi d'été, l'écrivain croise sur la rue Saint-Denis un jeune homme, Mongo, qui vient de débarquer à Montréal. Il lui rappelle cet autre jeune homme arrivé dans la même ville en 1976. Le même désarroi et la même détermination.
Mongo demande : comment faire pour s'insérer dans cette nouvelle société ? Ils entrent dans un café et la conversation débute comme dans un roman de Diderot.
Au jeune Mongo, Laferrière raconte quarante années de vie. Une longue lettre d'amour au Québec.
« L'aube est arrivée, comme toujours, à mon insu. Gracile. Des rayons de soleil à fleurets mouchetés. Comme des pattes de saint-bernard. Le roman me regarde, là, sur la table, à côté de la vieille Remington, dans un classeur rouge. Il est dodu comme un dogue, mon roman. Ma seule chance. Va. » Ce sont les dernières lignes de mon premier roman, écrites il y a tout juste trente ans. J'avais l'impression que tout se jouait là. Je ne voulais écrire, à l'époque, qu'un seul livre. Un livre qui raconterait l'Amérique et ses dévorantes mythologies : la vitesse qui permet de traverser un paysage sans fin, le désir tenu en laisse comme un chien enragé par une Lolita d'un bled perdu, le succès toujours inattendu et hors de proportion, et toute cette bondieuserie qui dégouline de la bouche des pasteurs noirs et des politiciens blancs. La caméra lentement se déplace des paysages vers les visages et l'on voit dansant la java new-yorkaise, ce cocktail de violence et de sexe colorés : Martin Luther King et Norman Mailer, Spike Lee et Calvin Klein, James Baldwin et Madonna, Truman Capote et Naomi Campbell. Le bruit de la Remington 22, unique chant de cette aube.