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Nos coups de coeur de la rentrée littéraire de janvier 2025
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Ne vois-tu rien venir
Sonia Feertchak
- Flammarion
- Litterature Francaise Flammarion
- 8 Janvier 2025
- 9782080447326
Lise, dix-neuf ans, assise sur le tabouret métallique d'une gendarmerie, est prête à être entendue. Que s'est-il passé ? Retour en arrière. Lise a sept ans. A-t-elle rêvé ou, depuis plusieurs mois, les disputes entre ses parents s'intensifient ? Son père, Bernard, pourtant si tendre avec elle, se montre autoritaire et colérique avec sa mère. Et, surtout, il aime dangereusement la compagnie des autres femmes : les employées de son usine, la nouvelle voisine, et même la jeune Anglaise qui donne des cours à Lise... Alors que Lise grandit, toutes ces femmes voient leur vie brisée. Est-ce le hasard ? Dans ce conte cruel, Sonia Feertchak retrace avec beaucoup d'acuité le trajet chaotique d'une jeune femme élevée dans une famille où règnent en maîtres le mensonge et l'ambiguïté.
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Ma grand-mère et le pays de la poésie
Minh Tran Huy
- Flammarion
- Littérature Française Flammarion
- 8 Janvier 2025
- 9782080450951
«L'enfance est une vieille dame aux mains blanches, aux cheveux lisses et aux yeux sombres.» L'enfance, c'est cette grand-mère qui vit à la maison, élève et chérit l'autrice, si bien que c'est en vietnamien qu'elle prononce ses premiers mots. Puis Minh Tran Huy grandit, s'éloigne de cette deuxième mère, de sa langue, et oublie. Cette grand-mère si modeste, cette Bà qui n'a vécu que pour se dévouer aux autres, se retrouve à l'écart des siens, qui ne parlent plus que français. En s'adressant à Bà, elle revient sur le silence qui entoure son histoire familiale et tente de retracer, dans le Vietnam des années 1970 déchiré par les guerres, le douloureux chemin qui a mené sa grand-mère jusqu'en France. Mais ce Vietnam tragique d'avant l'exil est aussi le territoire merveilleux des contes de son enfance, qui éclairent et nourrissent ce récit. Pour Minh Tran Huy, la littérature, à la manière du kintsugi, vient rassembler les fragments pour reconstituer un tout. Dans un vibrant hommage à sa défunte grand-mère, l'autrice retisse le lien qui les unissait, fait d'histoires intimes et de contes venus du Pays de la poésie.
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« Il y a évidemment des secrets derrière ses secrets, des moments de mystère, de tristesse et de joie dans l'ombre des silences que certains entendront. Il est possible que mes souvenirs aient leurs fantaisies, mais j'ai fait de mon mieux pour lui rendre justice, pour exprimer ce que mon père m'a raconté comme ce qu'il a tu, les gestes que je vais te transmettre et ceux qu'il n'a pas faits. »
Alors que Marc s'apprête à adopter un enfant, son père meurt. Pour offrir à son fils un morceau de son histoire, il plonge dans la vie hors du commun d'Hippolyte, chauffeur de taxi exubérant devenu archéologue fantasque, et remonte aux histoires d'amour de ses parents et de ses grands-parents, procédant à une archéologie de l'intime.
De l'Égypte à Paris en passant par la Grèce et l'Italie, Amanda Sthers compose une fresque familiale sur la transmission et l'origine, peuplée de personnages aux incroyables destins. Impossible de lâcher cette saga à l'écriture aussi poétique que ses héros. -
De nos blessures un royaume
Gaëlle Josse
- Buchet/Chastel
- Litterature Francaise
- 9 Janvier 2025
- 9782283039717
7 jours, 1000 kilomètres. Agnès, danseuse, tourne un jour le dos à sa vie. Elle part. Un périple lent, un itinéraire sans logique apparente. Dans quel but ?
Dans son sac, il y a un livre. Il est la raison de ce voyage qui la conduit à l'autre bout de l'Europe. Continuer à vivre exige parfois d'étranges détours.
Dans ce nouveau roman, on retrouve la sensibilité de Gaëlle Josse. Elle signe ici un texte bouleversant et lumineux sur la quête de soi. C'est aussi une déclaration d'amour aux livres, à la littérature, et à toutes les vies de papier qui nous rendent un peu plus vivants.
De nos blessures un royaume est le premier roman de Gaëlle Josse publié chez Buchet/Chastel. -
Ce récit aurait pu s'intituler "Le Livre de mon Père". Frédéric Beigbeder part à la découverte de Jean-Michel Beigbeder (1938-2023), dont il fait un vrai personnage de roman, à situer entre Roger Martin du Gard et Ian Fleming : « c'était un Français qui s'est cru Américain alors qu'il était Anglais ».
Il tente de comprendre cet homme solitaire et secret, fils d'une américaine et d'un béarnais, qui se qualifiait lui-même de "solipsiste". Une enfance dans un pensionnat militaire catholique, l'abbaye-école de Sorèze, puis après les « kapos à chapelets » de Sorèze, chez les frères marianistes de la Villa Saint-Jean à Fribourg, l'a endurci à vie. À peine majeur, il a fui son pays natal pour apprendre le management à Harvard Business School. Au début des années 1960, il a importé en France le métier de "chasseur de têtes" (executive search), « plaçant » tous les dirigeants du CAC 40 (ou presque), durant cinquante ans. Ou les débauchant (« la guerre économique est la seule dont les déserteurs sont récompensés »). A moins que cette activité prestigieuse, le conduisant à voyager dans le monde entier et à tisser des réseaux dans toute ce que la France de l'époque comptait de « décideurs », n'ait été une parfaite couverture pour des activités d'honorable correspondant de la CIA ?
Ce tombeau d'un père brillant et absent est aussi le portrait d'une génération de jouisseurs. Ces hommes seuls que l'on appelle aujourd'hui les "boomers" ont forgé leur égoïsme pendant la Seconde Guerre mondiale. Le confort fut leur idéologie, le luxe leur utopie, le divorce leur fatalité, l'Amérique leur horizon. Ils n'étaient pas faits pour être des pères de famille. À la fois philosophe pessimiste et playboy de la jet-set, Jean-Michel Beigbeder a épousé le XXème siècle, ses plaisirs, sa mondialisation et ses errements.
Son fils contemple avec sensibilité la disparition d'un homme qui symbolise aussi l'écroulement d'un monde, et profile en creux son autoportrait au miroir de ce père si fraichement disparu, dont il peut enfin faire la connaissance... -
Prisonnier du rêve écarlate
Andreï Makine
- Grasset
- Littérature Française
- 2 Janvier 2025
- 9782246840152
Ce grand roman-destin retrace un demi-siècle d'histoire de l'Union soviétique et de la France à travers l'intense aventure humaine de Lucien Baert, jeune communiste français "prisonnier du rêve écarlate".
Arrivé à Moscou en 1939 pour découvrir la promesse d'un paradis sur terre, il connaîtra l'envers du décor : l'extrême cruauté du régime, les tortures dans les camps du Goulag, la sauvagerie de la guerre. Mais aussi la communion des âmes meurtries et l'amour d'une femme, Daria, avec qui il saura reconstruire leurs vies brisées.
Près de trois décennies plus tard, Lucien parvient à traverser le rideau de fer pour tenter de retrouver les siens. Mais ce revenant du grand Nord ne reconnait plus sa patrie. Comment pourrait-t-il se fondre dans le confort d'une "société d'estomacs heureux" et prendre au sérieux la révolution d'opérette de 1968 ? Lui faudra-t-il se renier, en effaçant son passé ? Ou bien tenter l'impensable retour à Tourok pour reconquérir son rêve de fraternité et son amour perdu ?
Un puissant roman sur la barbarie stalinienne et le rejet de l'hypocrisie occidentale, où s' exprime la foi dans une humanité digne de ce nom. -
Attendue sur le plateau de La Grande Librairie pour parler de son livre, Le Consentement, l'autrice est appelée par la police pour venir reconnaître le corps sans vie de son père, qu'elle n'a pas revu depuis dix ans. Dans l'appartement de banlieue parisienne où il vivait, et qui fut jadis celui de ses grands-parents, elle est confrontée à la matérialisation de la folie de cet homme toxique, mythomane et misanthrope, devenu pour elle un étranger. Tandis qu'elle s'interroge, tout en vidant les lieux, sur sa personnalité énigmatique, elle tombe avec effroi sur deux photos de jeunesse de son grand-père paternel, portant les insignes nazis. La version familiale d'un citoyen tchèque enrôlé de force dans l'armée allemande après l'invasion de son pays par le Reich, puis déserteur caché en France par celle qui allait devenir sa femme, et travaillant pour les Américains à la Libération avant de devenir « réfugié privilégié » en tant que dissident du régime communiste, serait-elle mensongère ?
C'est le début d'une traque obsessionnelle pour comprendre qui était ce grand-père dont elle porte le nom d'emprunt, quelle était sa véritable identité, et de quelle manière il a pu, ou non, « consentir », voire collaborer activement, à la barbarie. Au fil de recherches qui s'étendront sur deux années, s'appuyant sur les documents familiaux et les archives tchèques, allemandes et françaises, elle part en quête de témoins, qu'elle retrouvera en Moravie, pour recomposer le puzzle d'un itinéraire plausible, auquel il manquera toujours des pièces. Comment en serait-il autrement dans une Tchécoslovaquie qui a changé cinq fois de frontières, de nationalité, de régime, prise en tenaille entre les deux totalitarismes du XXème siècle ? À travers le parcours accidenté d'un jeune homme pris dans la tourmente de l'Histoire, c'est toute la tragédie du XXème siècle qui ressurgit, au moment où la guerre qui fait rage sur notre continent ravive à la fois la mémoire du passé et la crainte d'un avenir de sauvagerie.
Dans ce texte kaléidoscopique, alternant fiction et analyse, récit de voyage, légendes familiales, versions alternatives et compagnonnage avec Kafka, Gombrowicz, Zweig et Kundera, Vanessa Springora questionne le roman de ses origines, les péripéties de son nom de famille et la mythologie des figures masculines de son enfance, dans une tentative d'élucidation de leurs destins contrariés. Éclairant l'existence de son père, et la sienne, à l'aune de ses découvertes, elle livre une réflexion sur le caractère implacable de la généalogie et la puissance dévastatrice du non-dit. -
- Alors qu'est-ce que vous faites dans la région, dites-moi un peu, s'inquiète le commandant Parker.
- Disons que c'est pour un film que je suis en train de tourner, indique Robert. Comme vous voyez.
- On ne m'en avait pas averti, regrette le commandant, mais voilà qui m'intéresse beaucoup. Et quel genre de film, au juste ?
- Toujours pareil, expose Robert, l'amour et l'aventure. Avec l'Afrique et ses mystères, vous voyez le genre.
- Ah oui, soupire le commandant Parker, je vois en effet très bien le genre. Et pour votre histoire d'amour, vous avez pris quelle actrice ?
- Céleste, dit Robert. Céleste Oppen. -
Tous les matins, au réveil, Rose, la narratrice du puissant deuxième roman de Sarah Jollien-Fardel, lutte pour ne pas être assaillie par la réalité crue, dans cette chambre aux parois boisées où elle vit désormais attachée par une longe.
Rose est devenue folle de douleur au moment où, trois ans auparavant, des policiers sont venus lui annoncer la mort de sa petite fille, Anna. Cette douleur, elle n'est pas parvenue à la surmonter, au point de devenir un danger pour elle et pour les autres, au point de demeurer attachée et recluse.
La vie était joyeuse, avant l'accident. Rose se souvient de son enfance dans un village de montagne, rythmée par la phrase inscrite sur une poutre du bistrot de sa grand-mère adorée : « Tu es d'une espèce qui aime la lumière et déteste la nuit et les ténèbres ». Son amitié immédiate avec Camil, le petit garçon qui venait passer ses vacances sur les hauteurs, devenu bien plus tard son mari et son indéfectible soutien ; leurs lectures et leurs promenades au coeur d'une nature somptueuse ; la naissance de leur enfant ; leurs métiers qu'ils aiment, lui est architecte, elle ostéopathe. Une vie apparemment sans histoires, dans laquelle Rose, ressassant le passé, traque les failles, elle qui ne s'est jamais remise de la mort longtemps inexpliquée de sa propre mère, le jour de sa première communion. Elle qui est également rongée par le remords de n'avoir pas désiré vraiment l'arrivée d'Anna.
Les souvenirs de Rose vont peu à peu, dans une narration haletante, nous révéler les circonstances de l'accident, et celles de sa propre réclusion.
Mais, le jour où Rose, percevant soudain une présence inconnue derrière sa porte close, entend filtrer à travers la paroi des phrases extraites d'un livre de Marguerite Duras, nous, lecteurs, avons l'intuition que la lumière pourrait gagner...
Sarah Jollien-Fardel, par la manière dont elle choisit de sauver d'elle-même son personnage, nous offre un magnifique dénouement, à l'aune de son magistral portrait de femme. -
Un roman basé sur des faits réels qui lève le voile sur l'histoire et le sort réservé au peuple sami.
1950, Suède. Elsa-Maj n'a que sept ans lorsqu'elle est retirée à sa famille, forcée de quitter son village sami au nord du pays, et envoyée dans une école pour nomades. Elle y rencontre Jon-Ante, Marge, Ann-Risten, Nilsa et d'autres enfants d'éleveurs de rennes contraints, comme elle, de renier leurs origines et leurs traditions. Contraints de ne plus parler leur langue et de se plier au bon vouloir de la directrice, sous peine de recevoir les pires châtiments. Car, dans cet internat, c'est la " sorcière " qui règne et impose ses lois.
Des années plus tard, chacun a tracé son chemin et construit sa vie à sa façon. Mais peut-on vraiment laisser derrière soi les blessures du passé et de l'enfance ?
Après le phénomène international Stöld , adapté en film par Netflix, Ann-Helén Laestadius revient avec un nouveau roman bouleversant sur le poids du passé, des secrets et de la violence, mais aussi l'espoir d'une seconde chance. -
Sadie Smith, ex-agente du FBI, est envoyée par ses mystérieux employeurs pour infiltrer une communauté d'éco-activistes radicaux dans un village français entouré de grottes millénaires. Sa mission : inciter les militants du Moulin à franchir la ligne rouge et permettre ainsi une riposte judiciaire de l'État. Rien d'insurmontable pour Sadie qui en a vu d'autres. Mais c'est sans compter les exigences sans limites de ses commanditaires...
Rattrapée par son passé, envoûtée par les écrits de Bruno Lacombe, mentor charismatique de la communauté qui a rejeté le monde moderne, Sadie risque de voir son pouvoir de séduction se retourner contre elle.
« Rachel Kushner est l'écrivain le plus passionnant de sa génération. »
Bret Easton Ellis, auteur d'American Psycho
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson -
Le Chant du prophète
Paul Lynch, Marina Boraso, Pierre-Francois Garel
- Albin Michel
- 2 Janvier 2025
- 9782226481481
« Le génie particulier de ce roman est d'avoir su rendre l'invraisemblable plausible. »
Colum McCann
À Dublin, un soir de pluie, deux hommes frappent à la porte d'Eilish Stack. Membres d'une toute nouvelle police secrète - le GNSB -, ils demandent à s'entretenir avec son mari, enseignant et syndicaliste,
mais celui-ci est absent. Larry se rend au commissariat dès le lendemain, puis disparaît dans des circonstances troublantes.
Tandis que le malaise s'installe peu à peu, Eilish voit son quotidien et celui de ses quatre enfants amputés d'une liberté qu'elle tenait pour acquise. Bientôt l'état d'urgence est déclaré, les rumeurs parlent de camps d'internement...
Prisonnière d'une logique cauchemardesque, jusqu'où devra aller Eilish pour protéger les siens ?
Récompensé par le Booker Prize, Le Chant du prophète saisit, dans un souffle d'une puissance implacable, le basculement progressif d'une société vers l'autoritarisme. Paul Lynch nous fait vivre cette expérience à travers un regard - celui d'une femme - qui nous renvoie à notre propre aveuglement.
Presse :
« Un singulier tour de force. » Kirkus Reviews
« Paul Lynch puise dans la littérature pour rompre avec la suffisance des sociétés occidentales qui, insensibilisées par les tragédies qui secouent le monde, sont persuadées d'en être à l'abri. » The Guardian
« Le récit extraordinaire et tragique d'un pays sombrant dans la guerre, qui résonne bien au-delà des frontières irlandaises. Il s'agit sans doute de l'un des romans les plus importants de cette année. » The Irish Examiner
« Cette dystopie est exactement ce dont nous avons besoin pour sortir de notre complaisance, de cette illusion réconfortante selon laquelle le fascisme surgirait toujours loin de nous, dans l'espace comme dans le temps. » The Washington Post